Anne-Laure WUILLAI

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© Photographie Jean-Michel Sordello

Anne-Laure Wuillai, Portrait d'atelier

"Rêver le ciel et l'eau"

 

 « Qui n’a pas eu un jour, lors d’une promenade dans la nature ou d’un voyage à l’étranger, l’élan de ramener avec lui un souvenir, un fragment, pour chez soi », interroge Anne-Laure Wuillai. Artiste plasticienne diplômée des Beaux-Arts de Paris, elle se sentait oppressée par la densité urbaine parisienne et a choisi la Côte d’Azur, pour sa proximité avec la mer, les sommets. Ici, dans son atelier aux allures de laboratoire de chimiste, hébergé à la Station à Nice, elle conserve des fragments de Méditerranée prélevés dans un geste performatif, onirique et sauvage, documenté en photo. Imprégnée de la démarche de Georges Perec, qui contribua au renouveau du matériau littéraire en hissant les listes et inventaires au rang de récit, cette plasticienne représentée par la Galerie Eva Vautier développe une démarche entre science, poésie et ironie.

« J’aime à questionner nos manières d’habiter le monde, les normes que nous produisons pour tout mettre à notre échelle. Cette façon que nous avons de domestiquer l’eau et le ciel aussi, des éléments dont l’immensité pourtant en tout point nous dépasse », poursuit l’artiste, qui a choisi donc de forcer le trait de la classification jusqu’à l’absurde, pour mieux nous interroger sur nos façons d’appréhender, catégoriser et consommer notre environnement. Tantôt dans sa série des Hyper-condionnements, elle remplit ainsi un caddie de poches d’eau de mer à ras bord, tantôt dans sa série Les artificiels, elle crée du mobilier mettant en mouvement des vagues bleu flashy, renvoyant aux images clichés qu’on se fait de la couleur de l’eau. Dans un geste éminemment poétique, elle décline les cinquante-trois nuances de bleu du ciel identifiées par Saussure pour son cyanomètre, l’un des premiers instruments météorologique conçu en 1789. Elle imagine des boules à neige où dansent des déchets plastiques retrouvés sur le littoral, ou des cartes postales gorgées d’eau, comme des souvenirs emportés… mais pour combien de temps ? Par le grotesque, elle sort ainsi du geste militant pour produire un œuvre, qui se rit avec espièglerie des cases de l’esprit et invite à rêver à nouveau notre relation à l’eau, au ciel, à la terre, ce corps vivant.

 

Tanja Stojanov, 2021